La Cour souveraine des Aides et Finances de Montauban a été créée à Cahors en 1642. Son ressort, prélevé sur d'anciennes dépendances de la Cour des Aides de Périgueux, comprenait les généralités de Montauban et d'Auch, Le comté de Foix, les vallées d'Aure.
Les débuts de la jeune assemblé attirèrent l'attention du pouvoir royal. Ils étaient en effet prometteurs. La vente des charges remboursa une partie des frais de siège de Perpignan. Quelques années plus tard, la Cour, sous la présidence de Jacques de Boysson d'Aussone, combattit vigoureusement la fronde du Quercy.
Les magistrats en furent singulièrement récompensés. En 1658, un décret royal transféra la cour à Montauban afain "d'y contrebalancer l'influence du parti protestant". Ce fut un tollé; leas membres de la cour, pour la plupart originaires du Haut-Quercy, refusaient d'abandonner Cahors, leur vieille capitale. A Montauban, pétitions et protestations surgissaient de toute part. L'afflux de ces encombrantes notabilités augmenterait, disait-on, le prix de la vie et porterait atteinte aux prérogatives des corps constitués. Les protestant redoutaient la rupture du fragile équilibre que l'on tentait d'établir entre les églises.
Le transfert ne fut effectif qu'en 1663, après cinq années de rébellion, de menaces et de palabres.
Attibutions
Comme ses homologues (une douzaine au début du 18e s.), la Cour traitait, pour l'essentiel, des affaires relatives à la taille et aux impôts indirects (aides, octroi, gabelle). Elle contrôlait les fiscalités et finances municipales. Elle avait pouvoir de judicature sur les officiers de justice et finance, avec toutes sanctions pénales, mort comprise. Elle contrôlait certains titres de noblesse et les provisions d'office. Elle enregistrait les édits à caractère fiscal. Elle statuait en appel des élections et présidiaux. Elle avait pouvoir de cassation, laquelle était cependant rarement totale, les magistrats se contentant souvant de corrections.
En raison de leurs tendances antifiscales, les cours des Aides n'aurent pas à connaître des impôts les plus récents tels que capitation et vingtième.
Enfin, ses propres jugement n'étaient pas susceptibles d'appel en parlement. Elle n'admettait cassation que par le roi et son conseil. D'où sa désignation de "Cour souveraine des Aides et finances".
Composition
A sa fondation, la Cour comprenait :
Une réforme de 1704 conféra la noblesse graduelle aux nouveaux magistrats et créa un service de chancellerie comprenant :
La charge de secrétaire conférait également la noblesse graduelle.
Les magistrats, astreints à une relative assiduité, étaient pour la plupart originaires du Quercy. Les secrétaires, dont la fonction était purement honorifique, se recrutaient dans toutes les régions de France. Certains n'apparurent jamais à la Cour.
Prix des charges - rémunérations
Le prix des charges judiciaires avait baissé de près de moitié à la fin de l'Ancien-régime. Il s'était pourtant maintenu à la Cour de Montauban, où il devenait très proche des prix pratiqués au Parlement de Toulouse.
prix approximatif de la charge |
gages annuels ( Etat des finances de 1778 ANP 5511 ) |
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Premier Président | 100 000 à 150 000 |
7 750 |
Président | 40 000 |
1 500 |
Conseiller | 25 000 |
750 |
Procureur Général | 50 000 |
2 500 |
Avocat Général | 20 000 |
825 |
Sur les gages étaient prélevés l'impôt du dixième et la capitation (quatre sols par Livre). La solde annuelle de Bernard se calculait ainsi :
gages | 825 |
déduction pour dixième | 82,10 |
déduction pour capitation | 270 |
reste dû : | 472,10 (soit 472£ 10s) |
A cette somme s'ajoutaient les épices, fruit de taxes prélevée au prorata sur les dossiers des plaideurs. Leur perception était confièe à une sorte de coopérative, gérée par le greffier en chef, pour éviter que les juges ne soient rémunérés directement par les parties. D'après son livre de raison, les épices de Bernard s'élevaient, selon les années, entre 1200 et 1500 £, net d'impôt semble t-il.
Travaux
L'année judicaire commençait à la St-Martin, après une messe solennelle en l'église N.D., à laquelle assistaient toutes les autorités de la ville en grand apparat. A la fin de l'Ancien-régime, la Cour tenait ses assises dans un bâtiment inclus dans l'actuel musée d'Histoire Natuelle; seul subsiste l'escalier d'honneur. Elle siégeait les Lundi et Vendredi à l'exception des jours fériés et des vacances judiciaires.
Les affaires s'instruisaient sur mémoire et se distribuaient par les conseillers rapporteurs chargés de la préparation des arrêts. On dénombre en moyenne soixante dix arrêts rendus chaque année, y compris autorisations de cadastre et enregistrements d'édits, mais non compris les actions de judicature.
Doit-on appliquer à la Cour de Montauban le jugement sévère de Tourny sur la Cour de Bordeaux : médiocrité, absentéisme, subordination au parlement ?
Ce ne fut semble t-il pas l'avis des contemporains.
La cour avait la réputation d'une assemblée opulente, cultivée, de bon aloi. Ses enquêtes étaient conduites avec rigueur, minutie, mais non sans une certaine lenteur. Ses arrêts étaient sérieusement motivés. Mais ses travaux, jugés abusivement onéreux, se heurtaient trop souvent à des conflits d'attribution de protocoles ou à des interventions. La Cour se trouvait en conflits fréquents et notoires avec le Parlement de Toulouse.
La Cour des Aides jouait un grand rôle dans les corps constitués de la ville tels la municipalité ou la Société Académique. Elle a défendu à plusieurs reprises les intérêts de la cité ( dont le commerce, international, était alors en plein essor), en particulier dans des affaires fiscales d'exportation.
Mais à l'égard de la Société protestante, très active et industrieuse, le clivage demeurait profond. D. Ligou (Annales du midi, 1952) explique que " le souci de faire bonne figure face à cette estimable société rivale, fut pour beaucoup dans /a tenue, remarquable pour l'époque, de la Cour" .
la Cour se maintenait en excellents termes avec l'église catholique. Le dernier évêque de l'ancien régime, Mgr. de Breteuil, était certes un homme à la foi solide, mais il se comportait aussi en évêque de Cour. Il donnait de fastueuses réceptions dans son magnifique palais épiscopal.
Le premier président de la Cour était un personnage considérable. Il se plaçait immédiatement après l'évêque et l'intendant. Le plus éminent fut sans conteste Jean-Jacques Le Franc de Pompignan, ancien avocat-général (1747-1757). Poète et auteur dramatique, reçu à l'académie française en 1760, il soutint un combat inégal contre Voltaire et les encyclopédistes.
Amable de Malartic, ancien conseiller, lui succéda en 1757. Anne-Joseph de Malartic , son fils, défendit victorieusement l'Ile de France contre les Britanniques en 1794. L'Ile lui éleva une statue qui a survécu à l'occupation anglaise.
Le dernier président, Dominique de Pulligneu, oricinaire de Grenoble, entra en fonction en 1775. Sa munificence ne le cédait en rien à celle de Mgr de Breteuil. On peut encore admirer son bel hôtel, décoré dans le plus pur style de la fin du XVIIIème siècle par le père d'Ingres.
Les gens du roi (dont Bernard de Boysson)
Le parquet était composé des "gens du roi", c'est-à-dire du procureur général assisté des deux avocats généraux. Son rôle était délicat, car il avait à défendre les intérêts de l'état, tout en respectant la tradition libérale de l'assemblée.
Tout ce qui ne se jugeait point à la Cour était remis au procureur général, comme l'application des lois et arrêts, les affaires de censure, les enquêtes concernant les officiers de justice et de finance. Les avocats généraux portaient la parole aux audiences pour les réquisitoires mercuriales et admonitions.
Pour manifester l'indivisibilité du Ministère Public, tous ses membres se levaient quand l'un d'entre eux prenait la parole. Cette solidarité était ombrageuse. En voici un exemple:
Le 31 Mai 1771, les gens du roi étaient rassemblés au parquet pour se rendre à la procession du Saint Sacrement:" Le Président les fit appeler par le greffier pour leur faire savoir que la Compagnie se trouvant très nombreuse, il fallait que quelques officiers débordassent le rang à défaut de places dans les stalles de l'église. Il avait été délibéré que l'on laisserait une place pour l'un d'entre eux et que les autres se placeraient avec les officiers qui seraient en cas de déborder".
Arrivés dans le choeur, les gens du roi adressèrent une protestation verbale au président qu'ils confirmèrent le lendemain au Bureau :
Le procureur général et les deux avocats généraux étaient entrés en fonction à quelques mois d'intervalle, ce qui ne manqua pas de contribuer à leur bonne entente.
Le procureur général, Jean-Louis de Parrouty, apparait sur les rôles en Février 1767. Nous savons peu de choses sur ce personnage, sonon qu'il décéda en émigration.
Bernard de Boysson-Delpech (c'est ainsi qu'il est inscrit) débuta en septembre 1767.
Le deuxièmeme avocat-général Nicolas Cazabonne entra en fonction en Septembre 1768. Bien inspiré, il vendit sa charge le 4 mai 1789. Demeurant dans la région d'Agen, il étai l'un des fondateurs de la Société Académique locale, d'inspiration maçonique, à laquelle participaient des hommeséminents, tels que Lacépède, les frères Lacuée et le futur conventionnel Paganel. Lacépède, disciple àe Buffon, président de la Législative, devint président du Sénat en 1801. Il créa une Cour d'appel à Agen et nomma Cazabonne premier président. Celui-ci s'adjoignit, comme conseiller en 1807, son ancien collègue à la Cour des Aides, Bernard de Boysson.
Les derniers jours
De tradition discrètement libérale, la Cour se montra, dans ses derniers temps, plus critique. Le 8 mai 1788, lors d'une séance mémorable, le gouverneur de Guyenne, Esparbès de Lussan, dut faire enregistrer d'autorité la prorogation du vingtième jusqu'en 1792 ainsi que l'ordonnance de réformation de la justice.
Dès la fin de 1789, les jours de la Cour des Aides paraissaient comptés. Elle n'en poursuivit pas moins l'enregistrement des décrets rendus par l'Assemblée Nationale, notamment sur la division de la France en dépatrements, jusqu'à la suppression définitive des cours souveraines le 7 septembre 1790.
Les charges des magistrats furent remboursées.
Ainsi disparut cette lourde et majestueuse "compagnie" après un siècle et demi d'existence. Il n'est guère possible de nos jours de dresser, au travers d'institutions périmées et oubliées, un bilan de son action.
Nous retiendrons cependant cette appréciation de Ligou : On n'a pas observé à Montauban, au cours de la période révolutionnaire, la violente réaction anti-parlementaire qui se déchaîne à Toulouse, puis à Bordeaux. La structure de la Cour de Montauban et son oeuvre ont été pulvérisées avec l'Ancien Régime. Sa mémoire demeure respectée dans la ville.